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2021-2022 Voyage au coeur de la Nuit Noire

Morlaix Communauté et CNAREP Le Fourneau

Lien vers le rapport de concertation déconcertante remis aux élu.e.s

https://www.lesreportagesdufourneau.com/Concertation-deconcertante

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Droit de Cécité

Opération délissification de la cité : le point de vue des aveugles (cité lisse et cécité)

Diagnostic sensible du plancher des vaches, visant l'appréhension handicapée d'une délissification de la ville

Conception : Albane Danflous et Gabriel Soulard

Jeu : Jonathan Aubart, Albane Danflous et Gabriel Soulard

Production : Lucile Malapert / Lycée professionnel de Suscinio Morlaix

Pour cette expérimentation, la compagnie était placée en accompagnatrice des étudiant.e.s qui devaient réaliser les enquêtes sur le terrain. La compagnie a écrit un scénario englobant les interventions et a introduit et clôturé la semaine dans cette narration et cette communication globale: faire débarquer des représentant-es, des ambassadeurs, d’un pays imaginaire, Grand Nuit, où la nuit est plus présente.

La méthode pédagogique a consisté à mobiliser des outils déjà éprouvés par la compagnie sur le plan artistique, mais l’écriture du parcours proposé aux élèves a été bâtie spécifiquement pour cette expérimentation, et adaptée quasiment au jour le jour. A noter que le temps de préparation de 3 jours avec les artistes était très court, malgré une préparation en amont par les enseignant.e.s. Le challenge étant de rassembler deux classes soit 53 étudiant.e.s autour d’un projet, dans un contexte de sortie de crise sanitaire où l’expérience du contact au public n’avait pas été éprouvée par les étudiant.e.s.

Cette préparation consistait en :
- Une présentation des arts de la rue par la directrice du Fourneau en octobre 2021 lors de la résidence de la compagnie mycélium ; présentation de la compagnie et du projet, première expérience avec les élèves en 3 sous-groupes sur les sensations liées aux espaces et à une rencontre nocturne,
- Un « cours magistral » sur la concertation, outillage des étudiants sur les enquêtes semi-directives et par questionnaire standardisé.

L’intervention de la compagnie sur les 3 jours de janvier s’est déroulée comme suit :

Jour 1: EXPLORATIONS
- Partager des objectifs de concertation et des objectifs des jours de préparation
- Exploration et sélection de terrains
- Partager des clés (connaissance de la concertation) et des portes d’entrées sur le sujet (envies et connaissances du sujet traité)

Jour 2: CREATIONS
- Acquérir un bagage: écriture en prosopopée, jeux corporels / animalité / espace, posture vocale et marches aveugles en binôme, jeux d’écoute et

d’adresse en groupe et en duo
- Ecrire des propositions de situation concertation-déconcertante par lieu.

Jour 3: TAMISAGE
- Formaliser des propositions de concertations déconcertantes,
- Présenter des propositions et tamisage des propositions pour en écarter certaines.

Le choix définitif a été resserré et réorienté par la compagnie dans un second temps entre janvier et mars, sans les élèves. Cette étape était inévitable mais a parfois été mal comprise par les élèves qui s’étaient attachés à toutes les propositions. La compagnie a cherché à ménager leurs envies et les réalités techniques

de leurs réalisations.

Critères de sélection des 2 à 3 lieux de concertation-déconcertante :

- Obstacles physiques / géographiques (pour humains et non humains)
- Lieux de rencontres potentielles entre espèces non humaines nocturnes et activité humaines
- Lieux de conflits / de tension entre objectifs divergents (humains/non humains ou humains/ humains)
- Lieux intéressants/stratégiques (points de vue, géographiques,...)
- Lieux où on peut s’imaginer une histoire la nuit, chargés d’histoires réelles ou fictives »

« Je dois avouer que quand on m’a présenté le projet je n’étais pas bien sûr. Non pas que la perspective de traverser la mer à trois dans un container de 9m2 sans chauffage ni lit ni toilettes me déplaisait. Non non pas du tout. Mais c’est juste que je n’étais pas sûr d’être l’homme de la situation. Apparemment vous autres habitants de région de Bretagne- Normandie-Morlaix êtes plongés dans une réflexion profonde. Une analyse méticuleuse des conditions électro luminescentes de votre habitat.

Après moult débats et consensus, après un festival d’études de courbes et de graphiques, après une farangibole de réunions en visio sur « skipe » et un véritable déluge d’enquêtes de proximité tout en respectant les distanciation d’usage, une question a été mise en lumière : sommes nous trop éclairés ?

D’abord je me suis dit bah ils peuvent pas juste éteindre, il doit forcément y avoir un interrupteur ? Chez nous dans le royaume de Grand Nuit, nous disposons de la Sainte Lampe Frontale, que nous n’utilisons qu’en cas de ténèbres extrêmes. Nos yeux, nos ouïes, nos branchies d’orteils, tous nos sens fusionnent avec l’obscurité ardente. Et nous nous déplaçons comme des hiboux-chats. C’est une sorte de petit oiseau poilu qui miaule. Nous bondissons à travers les grands bois. Et nous contemplons la lune en mangeant du réglisse et en faisant l’amour. Bref. Après cela j’ai vite compris que vous aviez de l’admiration pour nous. Nous sommes peut être une sorte d’exemple pour vous. Sans prétention. Peut être même que vous nous kiffez grave comme disent les jeunes. Chez nous à Grand nuit, tout est plus simple. Il n’y a pas de problème d’éclairage public, il n’y a pas d’éclairage public. D’ailleurs il n’y a pas d’espace public, d’ailleurs il n’y a pas de public. Comme ça y’a pas de problème.

Mais chez vous, les espaces publics pullulent de vie, la nuit, les phares des automobiles dansent sous les rayons feutrés des réverbères. Eux même, éblouis par les enseignes explosives et scintillantes de vos hyper marchés. C’est comme un soleil de synthèse qui chaque soir vous dévore. Aux abords de la ville, à l’abri des sous bois, les hiboux chats ont désertés, et vivent à l’ombre des étoiles. Là où on peut encore les voir.

Peut être est il temps d’en parler ? Mieux encore, de tisser un lien sensible entre le monde et nous, entre le monde en nous, et entre nous et nous. Et Nouer le lien qui nous lie ensemble.»

Texte écrit et interprété par Jonathan Aubart

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